atelier/maison, Paris, FR
Avril - Juin 2022
Installation lumineuse & sonore
(Dialogue entre Nicolas Godin & Mathias Kiss.)
Ceci est un voyage.
Un voyage à deux, dans le temps, l’histoire d’une amitié qui se raconte en même temps qu’elle se construit.
Ces installations « in situ », capsules improbables, plateformes d’imaginaires qui se sont déployées sur plusieurs années, sont comme des rendez-vous que se donneraient deux amis au hasard des opportunités ou plutôt au gré des envies, une conversation entre deux camarades qui se continuerait par d’autres moyens : la musique pour l’un, les sculptures et installations lumineuses pour l’autre ; où comment littéralement se « saisir » d’un espace.
Ça a débuté comme ça : en 2012, Claire Moulène, commissaire de la seconde édition de la Biennale de Belleville d’art contemporain, proposait à Mathias Kiss une installation hors les murs dans le studio du groupe AIR situé à l’époque rue de l’Atlas dans le 20ème arrondissement.
Deux ans plus tard, lorsque le groupe était invité pour une carte blanche au Palais des Beaux-Arts de Lille, Mathias Kiss avait réitéré cette installation sonore et visuelle autour du Miroir Froissé au sous-sol du Palais, au milieu des fascinants plan-reliefs sous le titre énigmatique de « Mercure / Mercury ».
10 ans après, c’est dans la Maison-Atelier de Mathias Kiss - comme il aime à l’appeler - que les deux artistes présentent cette troisième itération de leur travail commun ou plutôt cette troisième variation sur le même thème : celui d’une bande originale (« Soundtrack ») postulant qu’il pourrait y avoir une bande originale d’un lieu comme il est d’un film.
Ces trois installations disent au fond la même chose : on ne parle pas ici d’une collaboration - avec tout ce que peut cela peut impliquer d’artifices et d’opportunisme - mais d’une histoire, d’un dialogue qui s’inscrit dans une continuité sans rythme particulier, sans contrainte, et peut être sans fin ; « Ad Lib » comme on peut le lire à la fin des partitions.
C’est aussi pour reprendre la terminologie d’Alain Badiou, la rencontre de deux expressions artistiques qui ont cela en commun qu’elles s’expriment dans le « pur sensible » ; dans l’immédiateté de la vie sensible et dans une forme de communauté d’esprit : construire à deux des ensembles de perception et de sensations qui leur survivront.
Chez Mathias Kiss ce n’est pas tant l’objet mais l’intention, en assumant, notamment à travers le miroir froissé le parcours d’une désobéissance, la rupture avec les Compagnons, avec des matériaux et une formation rigides ; c’est aussi une façon de faire éclater par fragmentation la lumière d’une œuvre qui pourrait être figée et purement décorative ; au contraire ici elle est éclatée et fragmentée, on ne sait plus où commence les éclats du miroir « réel » et les réflexions de la lumière etc. c’est une négation de l’objet au profit de la perception sonore et lumineuse.
Chez Nicolas Godin, cette tentative de dompter la règle, d’appréhender la complexité de la musique - son récent album « Contrepoint » - pour le résoudre dans une forme de minimalisme éthéré.
Ces installations rappellent aussi ce que les anglo-saxons dénomment sous le terme – qui n’a pas d’équivalent en français - de « Milestones » littéralement des pierres que l’on déposerait sur le long d’un chemin, jalons d’une amitié, d’une vie, de deux œuvres, de deux singularités.
Marc-Olivier Deblanc
© Vidéo Mila Kiss